Tattoo You

Publié le par Ked

En passant par les piscines ou les bains publics Nippons, vous aurez peut-être l'occasion d'être intrigués par de petites pancartes déclarant "Tatouages interdits". Cela pourra peut-être surprendre au début. On pensera qu'on a affaire là à la lubie d'un gérant paranoïaque qui croit à toutes ces histoires de transmission de l'hépatite ou du sida par l'eau des piscines, sachant bien sûr que tous les tatoués sont d'anciens drogués au sang vérolé.


Cependant, quand on commence à remarquer ces petites pancartes, on se rend compte assez vite que la croyance semble particulièrement répandue. A un point tel qu'on aura le plus grand mal du monde à trouver des établissements de bains qui acceptent les tatouages. Ou il serait plus juste de dire "les tatouées". Car on a affaire là à une discrimination non pas pour des raisons esthétiques ou encore sanitaires. Il est question ici de complexe socio-culturel.


La vision se précise quand le salaryman qui voit son corps se transformer en limace baveuse décide de s'inscrire au club de sport le plus proche. Une petite clause dans le contrat faisse se hausser le sourcil, à peine visible, perdue dans une longue liste.


"Ne peuvent adhérer au club les gens qui ont des irezumi ou les personnes affiliées à des gangs".


Cette petite clause très conventionnelle a l'avantage d'être claire: les irezumis sont implacablement liés aux gangs.


Permettez moi un rapide a parte. Irezumi est le nom donné au tatouage traditionnel Japonais. Il repose sur des règles très strictes qui sont à la limite des arcanes ésotériques. Par exemple, un véritable irezumi a une progressiontrès spécifique, en partant de la mer vers le bas, puis en remontant progressivement avec les cieux au plus haut. On ne peut pas mettre non plus n'importe quel dessins dans un irezumi. Bien sûr, on trouvera les classiques samuraïs, dragons et onis, mais aussi la carpe (on dit que cette dernière remonte les chutes d'eau et quand elle a atteint le haut, elle se transforme en dragon). On nage donc en plein mélange de culture païenne, très exotique pour nous gaijins. Fin du rapide a parte.


Les irezumis sont donc irrémédiablement associés dans l'imaginaire Nippon aux yakuzas. Ce qui serait simplifier le problème. Pour deux raisons. La première, c'est que les tatouages ne sont plus obligatoires pour nos amis de la pègre. Ils l'étaient encore il y a une dizaine d'années, avec la mode de se trancher les doigts et de tenir pignon sur rue pour toute mafia qui se respecte. Cependant, des rixes un peu violentes ont poussé la police à demander poliment aux crapules du sous-monde de bien vouloir être un peu plus discrets. Les tatouages ne sont donc plus une condition nécessaire du yakuza. Mais il faut aussi savoir qu'ils n'ont jamais été une condition suffisante. J'en viens à la deuxième raison. Beaucoup de corporations traditionnelles, comme les pompiers, les maçons ou les chefs cuisiniers sont adepts des tatouages, en tant que signe de reconnaissance dans leur profession. Les limites deviennent floues. D'autant plus que, comme partout dans le monde, les jeunes aiment se faire charcuter la peau pendant de longues heures juste pour avoir un joli dessin à montrer aux copains.


L'image reste donc et il est difficile pour quelqu'un qui porte des tatouages d'aller dans un onsen ou dans un club de sport. Même pour un gaijin. "Mais pourtant les gaijins ne peuvent pas être yakuzas" entends-je dire. Certes. Mais c'est là qu'est l'astuce. Si un établissement écrivait explicitement "Interdit aux mafieux", les yakuzas ayant un tempérament taquin s'empresseraient d'aller tirer les oreilles du gérant. En général avec des crochets de boucher. Il faut donc les interdire sans trop les provoquer directement. Et rester cohérent, en interdisant toutes les personnes qui auraient des tatouages. Je digresse mais je me dis que c'est peut-être la bonne méthode après tout. On ne verra jamais de panneau inscrit "Interdit aux Yakuzas". Mais on verra des panneaux "Interdit aux Etrangers". Je propose donc qu'on aille tous s'équiper chez le boucher du coin, cela changera peut-être les mentalités.


Ceux d'entre vous qui auront pu voir à la piscine ces inscriptions ne se sentiront probablement pas concernés par cet article. Mais pour les autres qui comme moi sont tatoués comme des ex-taulards, vous pouvez toujours porter des pulls à manches longues au club de sport et chercher les quelques établissements de bain pour gens tatoués, vous savez un de ces jolis clubs privés au concierge si sympathique, même si ça fait bizarre quand on lui serre la main, avec tous ses doigts en moins.

Publié dans Guide de Survie

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D
Et tu te lave comment Ked :pNan je taquine!Mais whouaaa ca a l'air bien dur là-bas enfin perso niveau tatouage vont être déçue avec moi ^^ y'en a pas!
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K
Ayant une philosophie jusqu'au boutiste, je me suis dit que tant qu'a me faire tatouer, il serait dommage de faire les choses a moitie. J'aurais donc du mal a utiliser le systeme des compresses a moins de passer pour une momie. Je me fais donc une raison et ai tire une croix sur douches, piscines et saunas. Notez que c'est plus facile en hiver qu'en ete.
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G
je suis inscrit a Tipness, une chaine de salle de sport, a Tokyo et autant il y a bien la petite clause sur les tatouages, autant ils m'ont dit si c'est un petit tatouage pas de probleme, surtout un occidental. En fait il font plutot ca au cas par cas, pour preuve 'ai vu un type ds les douches avec un tigres sur les pectoraux et un tetons perces... Ya tellement de personnel qui va et vient ds les vestiaires, que qq'un du staff l'a forcement remarque.
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P
Ludo : pas plus si on pisse dedans!! Ni vu ni connu!!
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L
L'une de mes amies américaines avait l'habitude de porter des compresses pour masquer ses tatouages. Ca a toujours marché . Curieusement, cela ne dérange personne de se baigner dans de l'eau où surnage du pus provenant d'une plaie purulente...
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