Trainspotting
J'ai une relation amour / haine avec les toilettes Japonaises.
Haine parce que je déteste les toilettes Japonaises traditionnelles. Ce sont des variantes exotiques des toilettes "à la Turque" qui agrémentent comme il se doit tout bon bouiboui Parisien qui se respecte. Variante car c'est pas tout à fait pareil. Mais toujours pas optimal. C'est en gros un trou. Mais un trou en longueur. Un axe autour duquel il faut placer chaque pied, se baisser et faire ce qu'on veut en priant pour ne pas basculer. Les Japonais sont rompus a l'exercice et peuvent tenir la position sans efforts. Mieux, c'est une position de repos. On voit souvent des jeunes accroupis comme ca, dans la rue ou le metro. Attention, pas accroupis comme on s'accroupirait naturellemment, nous pauvres européens naifs. Ca demande toute une technique et un entraînement sévère. Le but c'est d'avoir la plante des pieds au sol, totalement et plier les jambes pour avoir les fesses au niveau des chevilles. Faut essayer pour comprendre que ça demande quand meme un certain effort d'équilibre et ca fait decouvrir au novice des muscles insoupconnés. J'évite de faire ce genre de choses, car invariablement je me retrouve sur le dos. Syndrôme de la tortue retournée. Et croyez moi, vous avez pas envie de vous retourner comme ça sur le dos dans le trou des toilettes traditionnelles.
Heureusement, ces toilettes là se font de plus en plus rares. On les trouve encore cependant dans les stations de métro et dans les maisons plus anciennes. Ailleurs, en poussant la porte des toilettes, on se retrouvera en face de... CA:
On en vient à la relation amour, bien que ce soit quand meme un petit amour torturé. Qu'est donc que CA? C'est en l'occurence la crème des crèmes dans le toilettage, l'obsession pour le confort poussée à son paroxysme, On a affaire là aux toilettes qu'on s'atteindrait à trouver a bord de l'Enterprise de Star Trek et je suis sûr que les Russes des années 60 auraient pu construire une navette spatiale avec ces toilettes là.
Mais détaillons la bête.
Au premier abord, cela semble être un set de toilettes normales. Cependant, le boîtier de commande intrigue à premiere vue. On s'assied. Premiere surprise, de taille et qui fait toute la différence, le siège est chauffé. Stop aux fesses froides, à l'appréhension de tremper son arrière train dans la neige. Non, là on s'assied tranquillement, en tout confort. Deuxième surprise, les toilettes sont sonorisées. Ca depend des endroits, mais souvent on a droit a un léger bruit de rivière. Des images de petit ruisseau courant entre les roches pleines de mousses dans la campagne viennent en tête. Mais le but n'est bien sur pas de faire penser à ses prochaines vacances dans les Alpes, mais plutot de détendre la personne timide inconvenue par les bruits naturels. Une fois qu'on a fini, on peut commencer à tester la télécommande à côté du siège. C'est là que la nuance sur l'amour torturé vient en jeu. Parce que même si le principe est louable, voilà que viennent assez vite des tabous culturels qui font que une certaine hésitation prend le novice. A la gorge. Car appuyer sur ces boutons, c'est se soumettre aux bizarreries des ingénieurs nippons et de leurs desseins pas toujours très clairs. D'autant qu'on est en position de faiblesse. La position de vulnérabilité ultime. Cerise sur le gâteau du doute, tout est bien sûr écrit en Japonais. Au début, c'est rebutant.
En fait, tout un dispositif s'offre a l'expérimentateur téméraire. Il faut s'aventurer à appuyer sur les boutons. Il faut juste prier qu'ils n'ont pas été au point d'inclure le siege ejectable. Dans l'ordre d'utilisation, vient tout d'abord un jet d'eau. Oui, un jet d'eau, vous comprennez maintenant ce que je voulais dire par tabous culturels. J'avoue avoir une sorte d'a priori à l'idée d'avoir un jet d'eau dans l'arrière train. Vous pouvez argumenter sur les côtés sanitaires, ça ne m'impressionne pas. Donc un jet d'eau. Mais pas juste un jet d'eau. On parle là d'un jet avec intensité reglable et buse orientable! Je n'ose imaginer les utilisations detournées de l'appareil. Et puis vous avez assez d'imagination. Apres le jet d'eau, il y a un souffle d'air. Pour sécher l'eau. Simple, efficace. Il y a une troisième touche, en général pour arrêter le jet d'eau. C'est là que le problème du Japonais rentre en jeu. Quand on n'est pas encore sûr de ses kanjis, il est facile de se retrouver comme ça, bloqué sur le siège, avec le jet à pleine puissance sans avoir d'idée sur comment faire pour l'arrêter. Est-ce qu'on doit se lever? Mais on risque de finir trempé. Est ce qu'on doit crier a l'aide? J'imagine tous les membres du personnel des stations de train qui ont dû secourir des gaijins qui criaient dans les chiottes parce qu'ils arrivaient pas à arrêter le jet d'eau.
Certains toilettes sont plus sophistiquées que d'autres. Par exemple certaines ont prevu un système de sécurité pour les gaijins, avec arrêt du jet d'eau si on se lève du siege. Elles incorporent aussi la chasse d'eau automatique. Pratique. Si ce n'est pas le cas, et si on ne trouve pas la chasse d'eau sur la commande, il faut savoir que souvent la chasse d'eau est indépendante, elle est déclenchée par un bouton ou une manette à l'arrière des toilettes. Détail qui vous fera gagner du temps. On finit ensuite avec une petite lingette avec un produit désinfectant pour laver le siège. Les lavabos sont aussi automatisés et ils ont même des sèche-mains à air qui sèchent vraiment les mains. Dans les autres pays, le sèche-mains a toujours pour but de repartir l'eau qu'on a sur les mains vers tout le corps. Là, non. Ca sèche vraiment. Miracle technologique. Tout est fait pour rendre le passage aux toilettes un moment de plaisir. D'ailleurs nombre de Japonais utilisent les toilettes des entreprises comme lieu pour dormir. Ca doit être pour le siège chauffant.
La culture Japonaise est donc tres différente de la nôtre, mais cela présente certains avantages. Il faut juste en déduire que pour les nippons, il est plus important d'avoir les fesses propres que la chemise (ou le tablier).