Inertie
Il y a de cela quelques temps, un directeur des ressources humaines, un peu éclairé compte tenu des circonstances conjoncturelles, a décidé d'instaurer le casual friday dans l'entreprise que je fréquente. Autant dire que l'on frisait là l'hérésie.
Une procédure a donc été créée et l'annonce a été formalisée par communications internes: depuis ce jour, le vendredi serait casual, et devrait donc trancher avec les autres jours plus formels et professionnels. En pratique, il s'agissait de permettre de ne pas porter de cravate et même, pour les plus aventureux, de venir en polo. Mais toujours en costume trois pièces, on n'est pas aux états-unis a-t-il ajouté.
Pourtant, il aura fallu plus d'une année pour que cette procédure soit appliquéer par quelqu'un d'autre que le gaijin de service. Une fois que celui-ci soit parvenu à convaincre un collègue Nippon que venir dans une tenue décontractée même le vendredi ne fera pas penser qu'il ganbaruterait moins que les autres, une véritable réaction en chaîne a été lancée. Les dominos sont tombés et on se retrouve le vendredi dans une atmosphère bancale de tenues qui ont le seul point commun de ne plus être formelles. En vrac je vous passe les pulls à cols roulés datés des années 70 ou encore les chemises à carreaux sorties du pantalon. Ce processus est en fait tout à fait caractéristique de cette société. Les gens ont envie de faire des choses aventureuses, qui frisent dangeureusement avec les limites de la loi. Mais ils ne voudront jamais être pris les premiers à le faire.
Le meilleur exemple de cet état de fait, vous pourrez le trouver à chaque coin de rue tous les jours. Le feu est rouge pour les piétons. Aucun circulation automobile. Tous regardent attentivement que le feu passe au vert. Jusqu'à ce que quelqu'un traverse. Quelqu'un? Disons plutôt un Nippon, les gaijins ne comptant pas vraiment, on sait bien quels frippons crapuleux ce sont! Un Nippon donc. Si il traverse, il déclence la traversée enthousiaste de tous ceux qui attendaient. Même si le trafic menace de redevenir dangeureux.
C'est un autre point. Il ne s'agit pas ici de comprendre pourquoi il est dangeureux de traverser ou pas, il s'agit de savoir si quelqu'un d'autre traverse et, sinon, se référer à la procédure officielle. Cette façon de penser rend d'ailleurs l'art de traverser les routes très périlleux. En effet, le chauffard Français est habitué à ces trublions de piétons qui surgissent sur la route à tout moment. Il est préparé, et est prêt à improviser selon la situation qui se présente: coup de volant soit pour l'éviter, soit pour le prendre à pleine vitesse et relâcher toute cette pression nerveuse dans une explosion de trippes et de sang. Le conducteur Japonais, lui, n'est pas habitué. Il roule tranquillement, suivant son trajet procéduriel. Vient alors un piéton alors que le feu est rouge pour le piéton. Etant dans une situation inhabituelle, le premiere réflexe sera de se référer à la procédure. Or, il faut savoir que quand le feu est rouge, aucun piéton ne devrait traverser, selon la procédure. Le conducteur est donc vite persuadé d'être la victime de ses sens embrumés par le travail intense qu'il fournit chaque jour, otsukare sama deshita. Il va donc continuer tout droit, en ajoutant peut-être un petit léger rire nerveux et hystérique, en plein déni total.
C'est peut-être la leçon la plus importante à retenir au Japon: il ne faudra jamais s'attendre à ce que les gens se conduisent de façon rationnelle. Les seuls cas où ils sembleront le faire sont contingents: ils auront eu la chance d'avoir un rédacteur de procédures un tant soit peu rationnel. Dans tous les autres cas, ils appliqueront des règles qui violent allègrement le bon sens, même s'ils reconnaissent l'absurdité totale des dites-règles.
Un pays de fonctionnaires.
Argh, je disais.
Une procédure a donc été créée et l'annonce a été formalisée par communications internes: depuis ce jour, le vendredi serait casual, et devrait donc trancher avec les autres jours plus formels et professionnels. En pratique, il s'agissait de permettre de ne pas porter de cravate et même, pour les plus aventureux, de venir en polo. Mais toujours en costume trois pièces, on n'est pas aux états-unis a-t-il ajouté.
Pourtant, il aura fallu plus d'une année pour que cette procédure soit appliquéer par quelqu'un d'autre que le gaijin de service. Une fois que celui-ci soit parvenu à convaincre un collègue Nippon que venir dans une tenue décontractée même le vendredi ne fera pas penser qu'il ganbaruterait moins que les autres, une véritable réaction en chaîne a été lancée. Les dominos sont tombés et on se retrouve le vendredi dans une atmosphère bancale de tenues qui ont le seul point commun de ne plus être formelles. En vrac je vous passe les pulls à cols roulés datés des années 70 ou encore les chemises à carreaux sorties du pantalon. Ce processus est en fait tout à fait caractéristique de cette société. Les gens ont envie de faire des choses aventureuses, qui frisent dangeureusement avec les limites de la loi. Mais ils ne voudront jamais être pris les premiers à le faire.
Le meilleur exemple de cet état de fait, vous pourrez le trouver à chaque coin de rue tous les jours. Le feu est rouge pour les piétons. Aucun circulation automobile. Tous regardent attentivement que le feu passe au vert. Jusqu'à ce que quelqu'un traverse. Quelqu'un? Disons plutôt un Nippon, les gaijins ne comptant pas vraiment, on sait bien quels frippons crapuleux ce sont! Un Nippon donc. Si il traverse, il déclence la traversée enthousiaste de tous ceux qui attendaient. Même si le trafic menace de redevenir dangeureux.
C'est un autre point. Il ne s'agit pas ici de comprendre pourquoi il est dangeureux de traverser ou pas, il s'agit de savoir si quelqu'un d'autre traverse et, sinon, se référer à la procédure officielle. Cette façon de penser rend d'ailleurs l'art de traverser les routes très périlleux. En effet, le chauffard Français est habitué à ces trublions de piétons qui surgissent sur la route à tout moment. Il est préparé, et est prêt à improviser selon la situation qui se présente: coup de volant soit pour l'éviter, soit pour le prendre à pleine vitesse et relâcher toute cette pression nerveuse dans une explosion de trippes et de sang. Le conducteur Japonais, lui, n'est pas habitué. Il roule tranquillement, suivant son trajet procéduriel. Vient alors un piéton alors que le feu est rouge pour le piéton. Etant dans une situation inhabituelle, le premiere réflexe sera de se référer à la procédure. Or, il faut savoir que quand le feu est rouge, aucun piéton ne devrait traverser, selon la procédure. Le conducteur est donc vite persuadé d'être la victime de ses sens embrumés par le travail intense qu'il fournit chaque jour, otsukare sama deshita. Il va donc continuer tout droit, en ajoutant peut-être un petit léger rire nerveux et hystérique, en plein déni total.
C'est peut-être la leçon la plus importante à retenir au Japon: il ne faudra jamais s'attendre à ce que les gens se conduisent de façon rationnelle. Les seuls cas où ils sembleront le faire sont contingents: ils auront eu la chance d'avoir un rédacteur de procédures un tant soit peu rationnel. Dans tous les autres cas, ils appliqueront des règles qui violent allègrement le bon sens, même s'ils reconnaissent l'absurdité totale des dites-règles.
Un pays de fonctionnaires.
Argh, je disais.